Journal
illustré
de la restauration
13 août 2004- n°51 -
La Gazette du Chantier (épisode 4)
Il est bien ce bateau maintenant !
Il ne tremble plus sous les coups de masse, sa belle coque de membrures
en forme est un plaisir à l'oeil. Si seulement nous avions cette fichue
étrave...
Ultime regard sur cette architecture avant de border car déjà, sur bâbord,
le bordé de galbord masque cette vision de perfection des formes.
Le squelette s'intériorise...
Survivre c'est s'adapeter.
Nous n'avons plus de mastic. Introuvable, ce tout bête mélange de craie et d'huile de lin ! C'était trop simple pour ne pas disparaître sous les modes du "tout synthétique" des temps modernes. Nous préparons donc notre "blious" (traditionnellement mastic, étoupe et peinture) d'une autre manière.
Pour ce faire, Juan prépare une mixture de cet asphalte pâteux que l'on pose sur les terrasses(1), de talc industriel (2) et d'étoupe hachée (3). Avantage sur le mastic : les crabes de ne s'en feront pas un petit dessert ! Autre avantage encore, cela coûte 3 fois moins cher.
Luis-Miguel, artiste peintre dans un moment de création. A la spatule
il prépare le lit des renforts de tôle. Problème : comment souder entre
eux les éléments de tôle, sur un support garni d'asphalte ? Souder sur
la tôle des ailettes de refroidissement ? Souder par petites touches rapides
?
Réponse la semaine prochaine (on cherche encore).
L'adaptation a ses limites dont certaines sont infranchissables...
Carlos fait des carottes de bois : des tampons destinés à couvrir les
trous des clous du bordé. Ce n'est pas simple à faire : la mèche,
un cylindre creux, perd vite son mordant dans ce bois très dur. Elle creuse
alors autant avec ses dents qu'en brûlant la matière. C'est long.
"On m'a dit qu'il en faudrait plus de 4000, dit Carlos avec un sourire
un peu crispé. - Oh non !... Probablement le double."
César coupe ensuite le fond de la planche et les bouchons tombent en
tas.
Mais ce n'est pas fini : il faut leur donner un petit biais par dessous
pour qu'ils entrent sans mal dans leur logement au dessous du clou. Puis
on fait une petite rainure sur le côté pour que l'air du fond s'échappe
tandis qu'on enfonce le bouchon.
Sebastian, de son côté, coupe dans une tige lisse les 80 morceaux qu'il faudra transformer en boulons pour amarrer le pont à la coque. De tels boulons, on n'en trouve pas. Il faut donc les fabriquer. Fileter les deux bouts, souder un écrou à une extrémité, et envoyer à galvaniser. En pleine énergie, avec une lame neuve, Sebastian ou Antoine mettent 3 minutes par coupe. Mais énergie et bonne lame ne durent qu'un moment... Après, viennent les ampoules. Rappelons que nous avons déjà ici confectionné bon nombre de boulons, et forgé plusieurs clous... sans forge, car cela aussi a disparu des temps modernes. On y parvient au chalumeau, à condition de le régler avec une flamme pauvre en oxygène qui ne brûle pas le métal. Elle n'est alors pas très chaude. Question de dosage...
Les potins de la semaine
Dimanche, calme étonnant sur le chantier. Pas de sablage, pas de fou de la disqueuse. Un vol de pélicans en précède un autre de cormorans, flèches dans le ciel après les premiers, ces gros vaisseaux paisibles qui semblent voler assis.
Les bateaux de l'usine à poissons voisine étaient splendides dans leur
robe de rouille, au lever du soleil. Il y a des dimanches qui méritent
de l'être.
Lundi : La tempête tropicale Charley qui frappe aujourd'hui
Cuba pour les 78 ans du Lider Maximo, aspire l'humidité du continent et
nous couvre de pluie au passage. Au soir, un gros hibou blanc rase Karrek
Ven, annonçant le retour du beau temps.
Mardi : On piétine, on tourne en rond, les travaux n'avancent
guère. Au soir, échec à cintrer une contre-bauquière de 14 cm d'épaisseur.
Le bois glisse sur lui-même au milieu, comme de la pâte. Il y a des jours
qui ne méritent pas de l'être.
Mercredi : scions la pièce en long en 3 épaisseurs, retournons
celle du milieu, mettons le tout en forme et collons à la résine epoxy.
Echec, rien n'a collé.
Pourquoi...?
Jeudi : la campagne électorale fait davantage de bruit.
Mais en musique seulement. Sebastian est invité à célébrer la victoire,
dimanche... avant de connaître les résultats. Partisans et opposants au
Président en préparent autant. Il y aura sans doute quelques accrochages
d'excités mais, dans l'ensemble, c'est plutôt une ambiance de kermesse.
Depuis l'avènement de la nouvelle constitution promulguée par le Président,
le niveau de conscience d'une responsabilité de citoyen a beaucoup augmenté
chez chaque vénézuélien, même si c'est dit en chantant et dansant. Vendredi :
Seul chien du chantier à savoir grimper à l'échelle, notre petite mascotte
noire n'apprécie guère qu'on la descende du bateau. Dès que l'un d'entre
nous remonte, elle le suit. Pas sans mal ni sans chutes ! La seconde
planche de bordé vient d'être posée !
Le point
Le projet retouché pour l'avenir de Karrek Ven est à peu près au point.
Il circule parmi quelques membres de l'association pour critiques et corrections.
Parution imminente sur ce site.
Le bateau continue, lentement, sa restauration.
Border un tel bateau présente des aspects nouveaux pour l'équipe qui apprend
sur les premières planches à satisfaire aux principes bretons...
(Lorsque vous passez le curseur sur l'image, vous obtenez la courbe de
la toute dernière mise à jour...)
L'opération Arc-en-Ciel continue !
Plusieurs dons cette semaine qui nous réchauffent le coeur. Un grand merci !
Plusieurs promesses aussi.
Néanmoins, les dépenses grimpent toujours vite en ce moment. Continuez
à donner, mais aussi à chercher un mécène qui nous permettrait de rattraper
et dépasser la courbe rouge !
Pour participer à la restauration du Karrek Ven en faisant un don, cliquer ICI.
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